Les proches aidants le parcours de l’épreuve à la compétence

Les proches aidants le parcours de l’épreuve à la compétencepng

Un peu d’histoire 

La question des aidants apparaît de façon de plus en plus importante dans le paysage français après avoir été invisible, non identifiée de façon précise pour plusieurs raisons : 

On a jusqu’à la moitié du 20e siècle considéré que l’aide apportée aux personnes vulnérables ou du fait de l’âge de la maladie ou du handicap était naturelle. 

Cette question du caractère “naturel” de l’aide reposait sur deux facteurs importants : 

  • Un habitat intergénérationnel qui permettait la prise en charge de des besoins de la personne vulnérable malade ou en situation de handicap au sein du foyer
  •  Et le fait que cette aide soit apportée majoritairement par des femmes renvoyant ainsi la prise en charge de ces besoins à une fonction dite “naturelle” féminine de maternage, de nursing, d’entretien du logement et de la production des repas. 

L’exode rural a brisé cette organisation par la rupture de l’habitat intergénérationnel en milieu urbain et a rendu plus visible l’aide apportée aux personnes vulnérables.  Ainsi d’une invisibilité non nommée, l’aidance a commencé à acquérir une visibilité sociale.

Autour des années 1970, la politique de désinstitutionalisation (en autre en psychiatrie) et donc du maintien à domicile permet la reconnaissance progressive de l’existence de situation d’aidance. Ill est rapidement apparu que les aidants constituaient un pilier essentiel de cette politique du maintien à domicile. 

Il nous faut remarquer l’action des associations qui ont largement œuvré dans le sens de cette reconnaissance sociale.

Une grande majorité des aidants portent assistance à un membre de leur famille (c’est encore le cas aujourd’hui dans 83 % des cas), aussi, l’appellation “aidants familiaux » s’est substituée à celle d’aidants naturels. Cependant, si cette aide s’exerce majoritairement dans le cadre familial, la proportion d’aidants appartenant au cercle social sans être liée par des liens de parenté progresse.  Le législateur prenant compte de l’aide dispensée a dû reconnaître aussi de façon statutaire l’aide apportée dans un entourage social, c’est donc la terminologie “proche aidant” qui prévaut actuellement.

D’ailleurs l’article 51 de la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement donne une définition de l’aidant :

« Personne qui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne d’une personne en perte d’autonomie, du fait de l’âge, de la maladie ou d’un handicap. ».

Le portrait de l’aidant aujourd’hui

Si on souhaite dresser le portrait type de l’aidant c’est une femme dans 57 % des cas. Nous voyons là que l’assignation de l’aide à un rôle féminin est encore présente. Cette problématique de l’assignation est d’ailleurs un axe très actif dans la relation d’aide, elle ne se cantonne pas uniquement à des rôles sexués mais se complexifie par les apports culturels, par les histoires familiales particulières.  Cependant, une proportion plus importante d’hommes aidants émerge peu à peu. L’aidante type se situe dans une tranche d’âge de 50 à 64 ans. 61 % des aidants ont une vie professionnelle. Nous reviendrons sur cet aspect un peu plus loin dans cet article. 

Ce portrait peut se nuancer d’un autre aspect de l’aidance, celle des jeunes proches aidants :  un jeune aidant est un enfant ou un adolescent de moins de 18 ans qui apporte une aide significative régulière à un membre de sa famille ou de son foyer. Ce proche a besoin d’aide en raison d’une maladie physique, mentale ou d’un handicap.

Entre 18 et 25 ans, on parle de jeune adulte aidant.

L’association nationale JADE évalue à près de 700 000 le nombre de jeunes aidants en France. Et pourtant, ils sont invisibles car difficiles à identifier. Le jeune aidant a en moyenne 16,4 ans. 72% d’entre eux sont des filles.

Les chiffres que j’avance ici fluctuent selon les sources auxquelles on se réfère. Cette fluctuation s’explique : si 76% de la population française a entendu parler des aidants, seuls 53 % des aidants se reconnaissent comme tels. Pour les autres cette aidance continue à se caractériser de façon “naturelle”. Nous remarquons donc que ces chiffres sont sous-évalués puisque reposant sur un état déclaratif de se sentir aidant. 

Un enjeu de santé publique

Les différentes enquêtes définissant le portrait de l’aidant, les caractéristiques de l’aide apportée, les risques santé de l’aidant et ses besoins puis la définition officielle du statut d’aidant marque particulièrement l’intérêt que la société leur porte.   Les aides apportées par les aidants représentent un poids économique certain : en effet, si l’on devait rémunérer chaque heure d’aide apportée à une personne malade âgée ou en situation de handicap au prix horaire du SMIC cette aide représente l’équivalent de 8,4 milliards €.

Cette aide est aussi appréhendée sous le prisme d’un enjeu de santé publique : leur action permet le maintien d’un état de santé meilleur chez la personne aidée.

Mais on ne manquera pas de reconnaître l’enjeu de santé publique que représente pour la santé de l’aidant. Selon les études menées 48 % d’entre eux font état de problèmes de santé voire même d’aggravation d’un état antérieur. 70 % d’entre eux signalent une réduction notable de leur temps de loisirs.

On anticipe d’ores et déjà qu’en 2035 35 % de la population aura plus de 65 ans Et qu’en 2050, 4 millions de personnes seront en perte d’autonomie  

Vie professionnelle : représentations et compétences

Outre ce risque santé, les aidants font état d’un impact financier important sur leurs finances (47% d’entre eux), Sur leur vie sociale et familiale c’est le cas de 45 % d’entre eux, enfin 46 % d’entre eux notent un impact sur leur vie professionnelle. 

Ces aspects : impact financier, impact professionnel et impact vie sociale et familiale, sont en étroite relation. L’aide apportée exige quelquefois une réduction du temps de travail et des absences imprévisibles. On mesure donc directement l’impact financier qui peut en résulter. Mais il est Important de considérer la vie professionnelle comme un lieu de réalisation personnelle. L’aidance peut donc engendrer une mise en tension dans l’univers professionnel : relations difficiles dans le collectif de travail, progression de carrière freinée. 

Pour les jeunes aidants, les risques encourus sont proches de ceux des proches aidants plus âgés :

  • Santé mentale et physique : fatigue, anxiété, dépression, troubles alimentaires, troubles du comportement, troubles du sommeil, lombalgies, maux de tête…
  • Scolarité : il peut y avoir une incidence sur les apprentissages et la réussite scolaire pouvant aller jusqu’à la déscolarisation (absence, retard, fatigue, difficultés de concentration) ou, au contraire, un surinvestissement scolaire.
  • Loisirs et vie sociale : difficultés à participer aux activités extrascolaires pour s’occuper du proche, compliqué d’inviter des amis à la maison…

Si, aux yeux du grand public, l’image du proche aidant est empreint de connotations de dévouement, d’amour, d’empathie, une image négative pourrait se développer au sein de l’entreprise liée à plusieurs facteurs.

Comment l’entreprise perçoit-elle l’engagement de ses salariés en dehors de ses murs ? Comment appréhende-t-elle la porosité entre sphère professionnelle et sphère personnelle ?

Le rôle de proche aidant est encore souvent associé à un rôle familial, émotionnel et non rémunéré, et non pas à un rôle professionnel. Les employeurs peuvent donc être réticents à soutenir les proches aidants salariés, car ils pourraient craindre que cela ne perturbe la dynamique de l’entreprise ou nuise à la productivité. 

En outre, les employeurs peuvent ne pas être conscients des défis auxquels les proches aidants sont confrontés dans leur vie quotidienne, tels que la gestion des rendez-vous médicaux, les soins physiques et émotionnels aux personnes aidées, la coordination des services de soins de santé, etc. Ils peuvent donc sous-estimer l’impact de ces responsabilités sur la capacité des employés à travailler efficacement.

L’image négative des proches aidants salariés au sein de l’entreprise pourrait donc être liée à une combinaison de facteurs liés à la perception de leur rôle, la méconnaissance des défis qu’ils rencontrent, et la stigmatisation sociale. Pour faire évoluer cette représentation négative, les actions de sensibilisation, d’information, la mise en place de politiques et de programmes de soutien sont de puissants leviers.

Il est difficile de généraliser l’image que les collègues ont des proches aidants salariés, cela peut varier considérablement en fonction de la culture de l’entreprise, de la nature du travail, des relations personnelles et professionnelles, et d’autres facteurs.

Cependant, ces représentations des proches aidants salariés évoluent. De plus en plus d’entreprises reconnaissent la valeur des proches aidants et mettent en place des politiques pour les soutenir ce qui participe leur engagement. On note que chez ces salariés un attachement à l’entreprise qui se traduit par un engagement accru dans la productivité et par des réticences plus fortes à envisager une démission.

Une série de compétences précieuses sont acquises par les aidants au fil de leur expérience. Les entreprises commencent à reconnaître la valeur de ces compétences et sont de plus en plus disposées à prendre en compte l’aidance dans leur politique RSE (responsabilité sociétale des entreprises). On peut ainsi citer :

  • Compétences en communication : Les proches aidants apprennent à communiquer efficacement avec les personnes dont ils s’occupent. Ils doivent être capables de comprendre leurs besoins et leurs désirs, même s’ils ne peuvent pas toujours les exprimer clairement. 
  • Compétences en gestion du temps : l’aidance nécessite une gestion efficace du temps. Les proches aidants doivent être organisés et planifier leur journée pour pouvoir gérer les soins nécessaires tout en continuant à travailler ou à étudier. 
  • Compétences en résolution de problèmes : faire face à des situations difficiles et inattendues est fréquent. Les proches aidants doivent être en mesure de trouver des solutions créatives pour résoudre les problèmes qui se présentent, qu’il s’agisse de problèmes de santé ou de problèmes pratiques. 
  • Compétences en gestion du stress : Les proches aidants sont souvent confrontés à des niveaux élevés de stress et doivent apprendre à gérer leurs émotions. Ils peuvent également aider leur proche à gérer le stress et l’anxiété. 
  • Compétences en empathie : comprendre les sentiments de leur proche, les soutenir émotionnellement. 

Ces compétences sont aussi reconnues et valorisées dans un dispositif de VAE (validation des acquis par l’expérience).

Créée il y a 20 ans, la VAE permet chaque année à 30 000 candidats de faire reconnaître leurs compétences face à un jury dans le cadre d’un projet professionnel (obtenir une promotion, entamer une reconversion, …). Cette réforme doit permettre d’atteindre 100 000 parcours de VAE par an d’ici la fin du quinquennat. Elle permettra notamment aux proches-aidants de mieux faire reconnaître les compétences personnelles acquises dans le milieu professionnel.

Les jeunes aidants développent aussi des compétences similaires :

  • Sentiment de fierté : ils se sentent utiles et apprennent beaucoup de l’aide qu’ils apportent au quotidien à leur proche…
  • Sentiment de maturité par rapport aux autres jeunes du même âge : meilleure compréhension du monde des adultes, sens des responsabilités, souhait d’un futur métier où l’on peut aider les autres…
  • Relation privilégiée avec le proche aidé : rapports moins conflictuels, complicité et confiance…
  • Acquisition de compétences techniques et humaines : manipuler l’appareillage, gérer les traitements médicaux et les piluliers, organiser les rendez-vous…

Mais évaluations et recherches sont encore peu abouties sur ce sujet néanmoins émergent dans toutes les études sur l’aidance.

On mesure donc la nécessité de mettre en place des soutiens aux proches aidants : 

  • Soutiens au sein de l’entreprise par une approche des représentations liées à ce statut : actions de sensibilisation, d’information, valorisation des compétences développées mais aussi une politique spécifique dans le cadre RSE.
  • Soutiens plus “personnels” : formations, pair aidance (café des aidants).

En effet, être proche aidant ne se résume pas à la somme d’heures d’aide apportée dans différents domaines (logistique, médical, psychologique, administratif …), être aidant c’est aussi se confronter à un éventuel processus d’assignation dont nous avons parlé, à un bouleversement des rôles et des places de chacun (aidant / aidé) au cours de l’accompagnement, à l’évolution d’un lien asymétrique à l’issue incertaine. C’est aussi pouvoir se repositionner pour retrouver une qualité de relation aidant / aidé, de la joie et du partage. 

Hand’Aptitudes depuis 2019 forme les proches aidants et tient à votre disposition pour tout élément complémentaire.